Nous roulons depuis déjà quelques minutes; je regarde le paysage défilé à travers la vitre de la voiture. Aucun de nous ne parle, le ronflement du moteur est le seul bruit actuel. Je ne sais pas exactement où il m'emmène, je sais simplement que nous allons dans la forêt. Enfin, le paysage se fige, la voiture s'arrête. Je me détache et sort du véhicule.
- Ah mince ! m'écrié-je.
- Quoi ?!
- J'ai oublié mon livre de magie à la maison...
- C'est pas grave, tu n'en auras pas besoin.
- Ah ?..
Sans me donner plus d'indications, Mathias commence à s'enfoncer dans les bois. Je le suis, malgré les branches et les plantes qui me griffent les jambes.
- Aïe !
- Eh oui princesse, fallait pas te vêtir si peu...
- Et c'est seulement maintenant que tu me le dis ? demandé-je.
- Hum. répond-il en haussant les épaules.
Nous gagnons un petit sentier humide; mes baskets sont déjà toutes sales. Mais, je préfère ne pas jouer la petite fille de riche qui n'aime pas salir ses vêtements de marque. Alors, je garde mes réflexions pour moi.
- Ah, oui, ma pauvre. Désolé, la prochaine fois, je penserai à recouvrir le sol de pétales de roses pour que tu ne te salisses pas... me lance Mathias en riant.
Je lui donne une tape sur l'épaule en m'exclamant :
- Eh; ça ne se fait pas de lire dans mes pensées !
- Tu as des choses à cacher ? me demande-t-il.
- Non, je suis pure.
Il ne peut s'empêcher de lâcher un petit rire. Mes pieds s'enfoncent plusieurs fois dans la boue, je peste à chaque fois que cela se produit. J'entends mon ami rire devant moi.
- Arrête de te moquer ! m'écrié-je.
- Désolé, mais c'est plus fort que moi.
Mathias fait un rapide demi-tour, se rapproche de moi et me porte comme une princesse.
- C'est mieux ?
- Moui... On peut dire ça, répondé-je.
Nous continuons de nous enfoncer dans les bois; quand soudain, il pile net et me pose par terre. Il regarde un instant autour de lui; puis ses yeux se posent sur moi.
- Tu as entendu ?
- Quoi ?
- Non rien... Viens, on n'est plus très loin.
Nous avançons encore pendant une dizaine de mètres, puis, nous nous installons dans un vaste coin où seuls les arbres nous tiennent compagnie. Stressée, je joue avec ma bague et la fais tourner autour de mon annulaire. Mathias me regarde et me dit :
- On va commencer.
- Qu'est ce qu'on va faire ?
- On va se battre.
- Quoi ? Mais, contre qui ?
- Bah... L'un contre l'autre.
Je le regarde, incrédule. Comment il peut me dire ça alors qu'il a dix fois plus d'expérience que moi ?
- T'inquiète pas ma belle, j'irai doucement !
Je le regarde un moment dans les yeux, puis, il commence :
"Je veux qu'un cercle de flammes
Encercle cette femme !"
Soudain, des flammes jaillissent de nul part et m'encerclent. Je me retrouve prisonnière. En tâchant de garder mon calme; je récite les formules suivantes :
"Que m'aident les forces des eaux
A ne pas finir en lambeaux !"
"Que le garçon qui m'a agressé;
Soit éjecté sur le côté !"
En une fraction de seconde, le feu s'éteint et Mathias est projeté contre un arbre. J'accours vers lui :
- Tu vas bien ?
- Ne baisse pas ta garde...
Il m'attrape un bras qu'il me retourne et me bloque entre les deux omoplates; puis, il maintient cette position et se place derrière moi. Je retiens difficilement un gémissement de douleur. Je souffle plusieurs fois; puis cale ma tête contre le creux de son cou :
- Tu triches; ce n'est pas de la magie...
- Peu importe, c'est un combat.
Nous reprenons nos exercices et répétons cette activité plusieurs fois. Au bout d'un peu plus d'une heure et demie, nous décidons de rentrer. Sur le chemin du retour; il me parle un peu d'Alexia :
- Tu sais, tu es aussi forte, voir plus forte que ta demi-sœur...
- C'est pas sûr...
- Mais si.. Et puis, je suis là moi, je suis avec toi. On a l'avantage; on est deux, mais elle ne le sait pas. Alors elle doit continuer de ne se douter de rien.
- Oui, tu as raison... Mais, elle n'est pas bête, elle va bien finir par se douter de quelque chose.
- Alors sois plus maligne qu'elle.
- C'est facile à dire...
Nous arrivons enfin chez Mike. Je sors de la voiture et entre dans la maison; il règne une affreuse odeur de tabac. Je monte les escaliers à toute vitesse et ouvre la porte de chambre de mon petit ami. Je le trouve, assis sur son lit en train de fumer quelque chose, sans doute un joint. Je me précipite vers lui et lui demande :
- Depuis quand tu fumes ?
- Depuis maintenant, je voulais essayer. Faut dire que ça détend.
- Pose-moi ça...
Je le lui enlève des mains et l'éteint par la seule force de la pensée. Puis, je le regarde droit dans les yeux en posant une main sur sa jambe.
- Pourquoi tu fais ça ? demandé-je.
- Je sais pas.
Je me contente de lui sourire. Alors qu'il approche sa bouche de la mienne je le coupe :
- Non, tu pues le tabac !
Il explose de rire et dépose un doux baiser sur mon front, puis, sur ma joue, puis sur l'autre. M'embrasse une dernière fois sur le bout du nez, puis il me regarde droit dans les yeux et murmure :
- Je t'aime.
- Moi aussi... Bon, je vais y aller moi.
Sur ce, il me raccompagne jusqu'à la porte de chez lui, et je rentre à pieds jusqu'à chez moi.